Archives de l’auteur : jeanlouisbessis

Le projet Batignolles : absurde et ruineux

Comme de nombreux confréres, je m’oppose à ce projet absurde et ruineux.

L’essor des outils numériques a vocation de libérer une place considérable dans notre Palais.

Si les besoins demeurent, des travaux de réaménagement ainsi qu’une utilisation rationnelle de l’espace existant y remédieront largement ; le fait que le Palais soit classé (partiellement) ne s’y oppose nullement.

Je suis, par ailleurs,  troublé par le choix répété de l’entreprise Bouygues (Cf : Nouvelle EFB, Issy les Moulineaux).

Et indigné du très discret protocole par lequel l’Etat s’engage à indemniser – généreusement – Bouygues en cas de succès des recours introduits. On doit s’interroger sur la multiplication des partenariats public-privé conclus par les précédents gardes des Sceaux.

Veiller au respect du statut de collaborateur libéral

1) Il incombe à l’Ordre de veiller au respect du statut de collaborateur libéral et de procéder à des requalifications, voire même des sanctions.

Devraient être pris en compte le temps dont dispose le collaborateur pour gérer ses dossiers personnels et assurer son obligation de formation continue, ainsi que la mise à disposition effective par le cabinet d’un bureau ou d’une salle de réunion permettant de recevoir et de traiter les dossiers personnels.

Outre la vérification des contrats de collaboration soumis à l’Ordre, pour s’assurer de l’effectivité du respect du principe de la collaboration libérale, l’Ordre pourrait procéder à des visites au sein des cabinets. Ce contrôle sur site devrait pouvoir s’exercer auprès de tout cabinet par l’Ordre. Il conviendrait naturellement de renforcer ces contrôles dans les cabinets qui reviennent régulièrement devant la Commission « Difficultés d’Exercice en Collaboration ou la Commission Requalification », ainsi que dans ceux dans lesquels l’Ordre constate un turnover inhabituel.

2) Je rendrai obligatoire la Charte des bonnes pratiques de la collaboration qui vient d’être adoptée par le Conseil de l’Ordre de Paris.

La plainte pour requalification ou discrimination d’un collaborateur doit donner lieu à l’ouverture d’une enquête ordinale. Le seul fait pour un collaborateur de saisir le Bâtonnier d’une plainte pour discrimination ou requalification ne saurait constituer, en soi, un manquement déontologique pour la victime.

Afin de garantir le respect de cette charte, je ne trouve pas déraisonnable que soit institué un représentant des collaborateurs dans les cabinets de plus de dix collaborateurs.

3) La pratique des cabinets qui recrutent en stage des avocats titulaires du CAPA est illégale.

Et choquante quand elle concerne de jeunes confrères étrangers ayant obtenu le CAPA par la voie des articles 99 et 100 du décret du 27 novembre 1991.

Ces pratiques devraient faire l’objet d’enquêtes ordinales en cas de plainte, d’un rappel des règles aux cabinets indélicats, puis de sanction, si nécessaire. Les avocats devraient, de par leur serment, montrer l’exemple et respecter les règles élémentaires de déontologie et de confraternité.

4) J’inscrirai à l’ordre du jour du Conseil de l’Ordre :

  • La nécessité d’une refonte complète de l’actuel régime de cotisations
  • L’augmentation du nombre de tranches pour le barème des cotisations à l’Ordre
  • L’instauration de la progressivité pour les cotisations au CNB et la RCP
  • L’abolition des prérogatives de recouvrement forcé des cotisations ordinales, des cotisations CNB et surtout CNBF
  • L’élargissement des exonérations pour les avocats dont les revenus sont les plus faibles.
  • L’interdiction de la rupture du contrat de collaboration durant les quatre mois suivant le retour du congé maternité, sauf en cas de faute grave.
  • L’alignement du tarif minimum de l’Ordre sur celui de l’UJA.

Jean-Louis Bessis

Le barreau à l’avant-garde… du sexisme?

Inégalité de revenus (et même creusement des écarts de revenus), trajectoires professionnelles plus tourmentées, segmentation des domaines d’exercice. La profession d’avocat présente historiquement une grande résistance à la féminisation.

  • A Paris en 2011, le revenu annuel moyen des avocates était de 57 818 euros contre 96 536 euros pour les hommes, soit un revenu moyen masculin supérieur de 67 % à celui des femmes.
  • S’agissant des certificats de spécialisation, les hommes dominent dans les domaines plus lucratifs : 3,25 fois plus d’hommes pour le droit commercial, 3,44 fois plus pour le droit des sociétés, 5 fois plus pour le droit fiscal.

Les grands cabinets d’avocats à l’avant-garde… du sexisme

Les discriminations s’aggravent avec la taille des cabinets : 36 % d’associées dans les structures comptant moins de cinq associés, 7 % seulement dans les structures comptant plus de 50 associés.

Des facteurs multiples se croisent pour creuser les inégalités : discrimination pure, culture du présentéisme dans les cabinets, stéréotypes sexistes.

Ce sexisme, parfois frontal, trop souvent insidieux, est d’autant plus paradoxal que depuis 1985, les femmes sont plus nombreuses que les hommes à intégrer la profession chaque année. Que deux fois plus de femmes que d’hommes rejoignent la profession chaque année et qu’elles pourraient à moyen terme constituer 70 % de l’effectif.

Malgré des avancées notables, les femmes restent sous-représentées dans les instances ordinales.

Ces phénomènes d’inégalité professionnelle peuvent être enrayés. L’égalité des chances et des droits doit être la règle.

J’inscrirai à l’ordre du jour du Conseil de l’ordre :

  • La création d’une obligation de notifier à l’ordre toute rupture de contrat de collaboration qui interviendrait dans l’année suivant la fin d’un congé paternité ou maternité ;
  • Une réflexion sur la collaboration à temps partiel ;
  • La gestion par les cabinets des demandes d’indemnisation et avance par l’Ordre des indemnités RSI et prévoyance

Jean-Louis Bessis

Pourquoi je me présente sans vice-bâtonnier.

Je prône la suppression du vice-bâtonnat.

Comme l’a excellemment relevé le Bâtonnier Vatier, « ceux qui l’ont créé ont pensé améliorer la gouvernance du barreau. Mais cette nouvelle image n’est qu’une illusion. Le ticket agrandit seulement le prisme du candidat au bâtonnat qui va chercher a s’entourer d’une personnalité complémentaire à la sienne. Si le vice-bâtonnier favorise la campagne du candidat au bâtonnat, il n’améliore pas, bien au contraire, les règles de gouvernance. Il y a dans le concept du vice-bâtonnier élu dans le cadre d’un ticket un vice profond et irréductible susceptible de perturber gravement la gouvernance du barreau : le risque de collision entre deux mandats, un vrai et un faux, et un réel phénomène de court-circuit ».

Pour avoir siégé ces trois dernières années au conseil de l’ordre, j’ai vécu de près l’échec de cette institution dès sa deuxième expérience. L’actuel vice-bâtonnier, a l’issue d’un désaccord avec le bâtonnier a suspendu sa participation, tout en continuant a percevoir des émoluments.

Comme l’a noté fort justement un de nos confrères, si, avec Jean Castelain et Jean-Yves Leborgne, nous avions deux bâtonniers pour le prix d’un, nous n’en avons désormais plus qu’un, mais pour le prix de deux.

Cette trouvaille hasardeuse n’aura servi, au final, qu’à permettre l’élection des deux derniers bâtonniers. Elle aura pour effet, dans quelques années, de doubler mécaniquement le nombre des anciens Bâtonniers et vice-bâtonniers au sein du Conseil.

Par cohérence, j’ai décidé de me présenter sans vice-bâtonnier. Et me prive ainsi de l’outil électoral que représente le vice-bâtonnat.

Réponses de Jean-Louis Bessis au questionnaire de l’UJA

Exercice de la profession : Quel est pour vous l’impact du numérique sur la profession ? Comment entendez-vous intégrer l’ère numérique dans l’exercice de votre mandat si vous êtes élu(s) ? Quelles limites à ne pas franchir ?

Le numérique a profondément transformé notre métier et nos pratiques professionnelles. Nos échanges avec nos clients et entre confrères ont connu une nette accélération. Avec le réseau privé virtuel avocat (rPVa), nous abordons la dématérialisation des procédures pénales.

Nous travaillons de plus en plus à distance. Les blogs juridiques deviennent le principal vecteur de formation continue. (sont souvent plus utiles que bien des séances de formation continue) Merci à Eolas et tant d’autres.

L’écart se creuse chaque année entre avocats et tribunaux dont l’informatisation reste chaotique. Cela devient un sujet de préoccupation.

Nos règles de déontologie doivent prévaloir dans cet environnement numérique : préservation du secret professionnel, démarchage en ligne. Ce sera un des chantiers de mon mandat, si je suis élu.

Je serai attentif à l’idée qui circule d’un service de déontologie en ligne. Les technologies numériques doivent aussi permettre de mettre à la disposition de la profession les textes de référence, comme le RIBP commenté.

La création d’une plateforme en ligne dédiée à la mise en relation des avocats collaborateurs ou en installation avec des prospects, permettrait aux avocats collaborateurs de développer une clientèle personnelle.

Collaboration : les ruptures à l’annonce ou au retour du congé maternité augmentent de manière exponentielle ? Quelles mesures concrètes proposez-vous pour faire cesser ces pratiques ?

Je suis favorable à l’interdiction de la rupture du contrat de collaboration durant les trois mois suivant le retour du congé maternité, sauf en cas de faute grave.

Collaboration : Quels moyens concrets entendez-vous mettre en œuvre pour faire respecter les conditions de la collaboration libérale et, notamment, la possibilité de développer une clientèle personnelle ?

Il appartient à l’Ordre de veiller au respect du statut de collaborateur libéral et de procéder à des requalifications, voire même des sanctions.

Devraient être pris en compte le temps dont dispose le collaborateur pour gérer ses dossiers personnels et assurer son obligation de formation continue, ainsi que la mise à disposition effective par le cabinet d’un bureau ou d’une salle de réunion permettant de recevoir et de traiter les dossiers personnels.

Outre la vérification des contrats de collaboration soumis à l’Ordre, pour s’assurer de l’effectivité du respect du principe de la collaboration libérale, l’Ordre pourrait procéder à des visites au sein des cabinets. Ce contrôle sur site devrait pouvoir s’exercer auprès de tout cabinet par l’Ordre. Il conviendrait naturellement de renforcer ces contrôles dans les cabinets qui reviennent régulièrement devant la Commission « Difficultés d’Exercice en Collaboration ou la Commission Requalification, ainsi que dans ceux dans lesquels l’Ordre constate un turnover inhabituel.

Collaboration : Objectif de 1800 heures facturées par an : collaboration libérale ou salariat ?

Les cabinets ne peuvent pas imposer à leurs collaborateurs des charges de travail ou des objectifs de facturation en contradiction avec le développement d’une clientèle personnelle.

Collaboration : La Charte des bonnes pratiques de la collaboration vient d’être adoptée par le Conseil de l’Ordre de Paris. La rendrez vous obligatoire si vous êtes élu(s) ? Quelles mesures renforcez-vous ? Sanctionnerez-vous les cabinets qui ne respectent pas ces bonnes pratiques ?

Je la rendrai obligatoire. Rien n’est obligatoire sans sanction.

La plainte pour requalification ou discrimination d’un collaborateur doit donner lieu à l’ouverture d’une enquête ordinale. Le seul fait pour un collaborateur de saisir le Bâtonnier d’une plainte pour discrimination ou requalification ne saurait constituer, en soi, un manquement déontologique.

Afin de garantir le respect de cette charte, je ne trouve pas déraisonnable que soit institué un représentant des collaborateurs dans les cabinets de plus de dix collaborateurs.

Collaboration : Quelle sanction pour les cabinets qui recrutent en stage des avocats titulaires du CAPA ?

Cette pratique est illégale. Et choquante quand elle concerne de jeunes confrères étrangers ayant obtenu le CAPA par la voie des articles 99 et 100 du décret du 27 novembre 1991.

Ces pratiques devraient faire l’objet d’enquêtes ordinales en cas de plainte, d’un rappel des règles aux cabinets indélicats, puis de sanction, si nécessaire. Les avocats devraient, de par leur serment, montrer l’exemple et respecter les règles élémentaires de déontologie et de confraternité.

Collaboration : Le tarif minimum de l’Ordre reste très inférieur au tarif UJA. Vous engagez-vous à augmenter ce tarif minimum pour le mettre au niveau du tarif UJA si vous êtes élu(s) ? Si oui, dans quels délais ? Si non, quelles mesures adopterez-vous pour permettre à des confrères de vivre avec moins de 1 000 euros par mois, charges déduites ?

Je suis favorable à un alignement du tarif minimum de l’Ordre sur celui de l’UJA.

J’inscrirai a l’ordre du jour du Conseil de l’Ordre la nécessite d’une refonte complète de l’actuel régime de cotisations ; augmentation du nombre de tranches pour le barème des cotisations à l’Ordre ; instauration de la progressivité pour les cotisations au CNB et la RCP ; abolition des prérogatives de recouvrement forcé des cotisations ordinales, des cotisations CNB et surtout CNBF ; élargissement des exonérations pour les avocats dont les revenus sont les plus faibles.

Egalité professionnelle : Comment expliquez-vous les inégalités flagrantes entre femmes et hommes dans notre profession (lanterne rouge des professions libérales) ? Quelles mesures concrètes proposez-vous pour y remédier ? Quels moyens y affecterez-vous ?

La profession d’avocat présente historiquement une grande résistance à la féminisation.

Le rapport de l’UJA sur l’égalité professionnelle en dresse un bilan documenté : creusement des écarts de revenus, trajectoires professionnelles, segmentation des domaines d’exercice.

Des facteurs multiples se croisent pour creuser les inégalités : discrimination pure, culture du présentéisme dans les cabinets, stéréotypes sexistes. S’agissant des certificats de spécialisation, les hommes dominent dans les domaines plus lucratifs : 3,25 fois plus d’hommes pour le droit commercial, 3,44 fois plus pour le droit des sociétés, 5 fois plus pour le droit fiscal.

J’observe que les discriminations s’aggravent avec la taille des cabinets : 36 % d’associées dans les structures comptant moins de cinq associés, 7 % seulement dans les structures comptant plus de 50 associés.

Ce sexisme est d’autant plus paradoxal que désormais, deux fois plus de femmes que d’hommes rejoignent la profession chaque année et que les femmes pourraient à moyen terme constituer 70 % de l’effectif.

Les phénomènes d’inégalité professionnelle peuvent être enrayés.

Je suis favorable aux mesures préconisées par l’UJA : création au sein du Conseil de l’Ordre d’une commission « égalité professionnelle »; création d’une obligation de notifier à l’ordre toute rupture de contrat de collaboration qui interviendrait dans l’année suivant la fin d’un congé paternité ou maternité ; sanctions des inégalités de rémunérations ; protection des collaborateurs et collaboratrices au retour des congés paternité et maternité ; réflexion sur la collaboration à temps partiel ; gestion par les cabinets des demandes d’indemnisation et avance par l’Ordre des indemnités RSI et prévoyance.

Egalité professionnelle : Quel est le nombre de femmes associées dans votre cabinet (chaque candidat individuellement) ? et d’hommes ?

Nous sommes trois associés, dont deux femmes.

Développement des cabinets : quels moyens pour lutter contre le « parasitisme » des non-avocats ? et par les avocats (démarchage, chiffres d’affaires non liés à l’exercice de la profession, non-respect des incompatibilités) ?

La vigilance de l’Ordre va très loin, puisque même notre papier à en tête est réglementé à l’article 10.4.

Je ferai appliquer les sanctions disciplinaires dont notre règlement intérieur ne manque pas. Je dois reconnaître que le Conseil de l’Ordre est très mobilisé sur ce sujet, et fait même preuve de pugnacité.

Quant au parasitisme des non-avocats, il relève du droit pénal

Développement des cabinets : Les avocats sont confrontés à des problèmes récurrents pour trouver des locaux ? Quels moyens pour faciliter la prise à bail ? Quel budget y consacrerez-vous ? Quel rôle et quel avenir pour la pépinière ?
La recherche des locaux est souvent très difficile, notamment en raison des exigences des propriétaires en matière de cautionnement ou de dépôt de garantie. Ces exigences constituent un frein important à l’installation. Je suis favorable à une forme de
cautionnement par l’Ordre.

La pépinière est sans doute l’une des initiatives les plus heureuses que nos devons à l’Ordre. Ses tarifs se révèlent plus coûteux qu’une domiciliation. Je propose de reconsidérer la tarification et son système d’unités de valeur. Et d’en étendre la durée d’au moins une année, et ce d’autant plus qu’elle pas aujourd’hui saturée.

Développement des cabinets : Les divergences entre le droit continental et le droit de Common Law sont-elles un frein en Europe pour l’expansion des cabinets d’avocats français ? que diriez-vous à un jeune avocat dans ce contexte ?

Il appartient à l’EFB de favoriser l’ouverture des élèves aux autres systèmes juridiques en développant des séminaires de droit comparé et de les former aux notions du Common Law.

Développement des cabinets : Quelle interprofessionnalité souhaitez-vous promouvoir, le cas échéant ? Quelles sont les limites qui vous semblent indépassables ?

Si je ne partage pas toutes recommandations du Rapport Darrois. il en est une que je fais mienne : l’interprofessionnalité commence par et dans la formation.

Je suis favorable à la création d’écoles de professionnels du droit qui, à l’issue des études universitaires, assureraient une grande partie de la formation aux principaux métiers du droit : avocats, notaires et magistrats (y compris les magistrats des tribunaux administratifs et cours administratives d’appel recrutés par la voie du concours complémentaire) mais aussi huissiers, administrateurs judiciaires, mandataires judiciaires. Ces écoles constitueraient un point de passage obligé entre les universités et les actuelles écoles d’application lorsqu’elles existent (CRFPA, CRFPN, ENM). L’entrée s’effectuerait, par la voie d’un examen national exigeant portant sur les principales disciplines que doit maîtriser un juriste.

La mise en place de toute structure commune (en moyens ou en capital) à plusieurs professionnels doit sauvegarder les principes essentiels des avocats, la sauvegarde de l’indépendance, la protection du secret professionnel et les principes relatifs à la gestion des conflits d’intérêts.

Déménagement du Palais : quelles réponses apporterez-vous aux inquiétudes et interrogations de vos confrères sur ce déménagement ? Proposez au moins deux mesures concrètes.

Le projet Batignolles est absurde et ruineux.

Je suis troublé par le choix répété de l’entreprise Bouygues (Cf : Nouvelle EFB, Issy les Moulineaux). Et indigné du très discret protocole par lequel l’Etat s’engage à indemniser – généreusement – Bouygues en cas de succès des recours introduits. On doit s’interroger sur la multiplication des partenariats public-privé conclus par les précédents gardes des Sceaux.

L’essor des outils numériques a vocation de libérer une place considérable dans notre Palais. Si les besoins demeurent, des travaux de réaménagement ainsi qu’une utilisation rationnelle de l’espace existant y remédieront largement ; le fait que le Palais soit classé (partiellement) ne s’y oppose nullement.

Représentation de la profession : Quel rôle, quel statut pour votre Vice-Bâtonnier ?

Je prône sa suppression. Par cohérence, j’ai décidé de me présenter sans vice-bâtonnier. Et me prive ainsi de l’outil électoral que représente le vice-bâtonnat.

Comme l’a excellemment relevé le Bâtonnier Vatier, « ceux qui l’ont créé ont pensé améliorer la gouvernance du barreau. Mais cette nouvelle image n’est qu’une illusion. Le ticket agrandit seulement le prisme du candidat au bâtonnat qui va chercher a s’entourer d’une personnalité complémentaire à la sienne. Si le vice-bâtonnier favorise la campagne du candidat au bâtonnat, il n’améliore pas, bien au contraire, les règles de gouvernance. Il y a dans le concept du vice-bâtonnier élu dans le cadre d’un ticket un vice profond et irréductible susceptible de perturber gravement la gouvernance du barreau : le risque de collision entre deux mandats, un vrai et un faux, et un réel phénomène de court-circuit ».

Pour avoir siégé ces trois dernières années au conseil de l’ordre, j’ai vécu de près l’échec de cette institution dès sa deuxième expérience. L’actuel vice-bâtonnier, a l’issue d’un désaccord avec le bâtonnier a suspendu sa participation, tout en continuant a percevoir des émoluments. Comme l’a noté fort justement un de nos confrères, si, avec Jean Castelain et Jean-Yves Leborgne, nous avions deux bâtonniers pour le prix d’un, nous n’en avons désormais plus qu’un, mais pour le prix de deux.

Cette trouvaille hasardeuse n’aura servi, au final, qu’à permettre l’élection des deux derniers bâtonniers. Elle aura pour effet, dans quelques années, de doubler mécaniquement le nombre des anciens Bâtonniers et vice-bâtonniers au sein du Conseil.

Représentation de la profession : Ordre national, réforme du CNB ou status quo ? Pourquoi ?

Je suis favorable à la création d’un Ordre national.

Prospective : L’avocat en entreprise vous parait-il être une opportunité pour la profession ? quelles modalités d’intégration vous semblent opportunes ?

Les avocats souhaitant quitter l’exercice libéral pour entrer en entreprise sont de plus en plus nombreux (500 par an environ en France).

Je sais que l’UJA est favorable à l’avocat en entreprise. Je crains qu’elle ne sous-estime les problèmes que posent la conservation de leur statut et leur déontologie une fois devenus salariés d’une entreprise : sera-il soumis aux mêmes règles de déontologie ? quel sera le rôle du Bâtonnier dans les litiges nés de l’exécution des contrats de travail ? Secret professionnel ou privilège de confidentialité ?

Pratique pénale : Que pensez-vous du débat récurrent sur la place de la victime dans le procès pénal ?

Si la victime a droit au respect et à la réparation de ses souffrances, le procès pénal demeure d’abord le lieu où la société demande des comptes à l’accusé, en respectant les principes du procès équitable, et d’abord la présomption d’innocence. Comme le relvait Robert Baditer, le procès pénal n’est pas le vecteur privilégié de l’apaisement des souffrances de la victime, ni l’instrument de son « deuil ». L’audience n’est pas une thérapie.

Pratique pénale : quels moyens êtes vous prêts à mettre en œuvre pour la formation à la défense d’urgence ?

C’est une matière très spécialisée. Les avocats qui traitent l’aide légale doivent y être formés pour offrir une défense de grande qualité.

Je ne souhaite pas que l’aide juridictionnelle soit un laboratoire de formation pour les jeunes avocats. Les plus démunis ne sont pas des cobayes. Tous les mécanismes incitatifs doivent être déployés pour encourager les avocats chevronnés à prendre leur part de cette mission d’intérêt public.

Les « réponses de tous les candidats au questionnaire des jeunes avocats » sont disponibles sur le site de l’UJA.

Entretien mené par le Village de la Justice

Pouvez-vous nous présenter les axes majeurs de votre programme ?

Membre du Conseil de l’Ordre depuis trois ans, j’ai découvert un mode de fonctionnement d’un autre âge et observé une série de dérives : indemnités vertigineuses que s’octroient Bâtonnier et Vice-bâtonnier, nombreuses créations de postes, avantages en nature et décorations distribués à la discrétion du Bâtonnier…

Je propose toute une série de mesures pour dépoussiérer l’instance ordinale et en démocratiser le fonctionnement monarchique et anachronique : vigilance quant aux conflits d’intérêts au sein du Conseil, appels à candidatures pour le recrutement des chargés de mission dont les derniers Bâtonniers se sont entourés sans compter, réduction du train de vie du Conseil de l’Ordre, amélioration de la transparence des comptes de l’Ordre.

Je mettrai tout le poids du Bâtonnier dans la balance pour rouvrir, avec les Pouvoirs publics, le dossier de l’aide juridictionnelle. Son financement est à bout de souffle. Pour revaloriser l’unité de valeur de l’Aide juridictionnelle et repenser les conditions d’intervention des avocats de l’antenne des mineurs (notamment la forfaitisation, récemment mise en place et non adaptée a la défense spécifique des mineurs), il faudra diversifier les modes de financement. Les solutions sont connues : taxation des actes juridiques et des contrats d’assurances.

La taxation des professions juridiques, à condition qu’elle prenne en compte le volume d’aide juridictionnelle des cabinets (qui, pour certains, peut atteindre 10 % du chiffre d’affaires) ne doit pas être écartée : elle pourrait inciter des avocats chevronnés à prendre leur part de cette mission d’intérêt public. Je ne souhaite pas que l’aide juridictionnelle soit un laboratoire de formation pour les jeunes avocats.

Quels sont selon vous les deux plus grands défis à venir pour la profession ?

La crise économique, qui fragilise un nombre croissant de confrères et la fracture qui se creuse au sein de la profession.

En 2009, le revenu annuel moyen par avocat a baissé de 4 % par rapport à l’année précédente. C’est le premier recul des revenus après plus de 30 ans de croissance. 41 % des jeunes avocats perçoivent un revenu brut inférieur à 3 300 euros. Il faut retrancher environ 30 % de charges sur ces montants. Quant à l’écart de revenu entre hommes et femmes, il se creuse depuis 1994.

J’inscrirai a l’ordre du jour du Conseil de l’Ordre la nécessite d’une refonte complète de l’actuel régime de cotisations ; augmentation du nombre de tranches pour le barème des cotisations à l’Ordre ; instauration de la progressivité pour les cotisations au CNB et la RCP ; abolition des prérogatives de recouvrement forcé des cotisations ordinales, des cotisations CNB et surtout CNBF ; élargissement des exonérations pour les avocats dont les revenus sont les plus faibles.

En ces temps de crise, que faire pour renforcer l’attractivité de la profession d’avocat pour les jeunes qui se lancent ?

Repenser l’EFB. Une enquête a été réalisée par les deux représentants des élèves-avocats auprès de 400 étudiants de l’EFB. 80 % d’entre eux, ayant suivi les cours de la dernière promotion, ont qualifié la formation de « moyenne » ou « mauvaise ». Les étudiants en sont mécontents. Ils dénoncent les cours trop « théoriques ». Un rapport avait déjà évoqué les amphis déserts. De leur côté, des avocats parisiens interrogés avaient, à 63 %, considéré que la formation initiale était insuffisante voire très insuffisante pour préparer l’arrivée dans la profession.

Faut-il maintenir deux années de formation à l’école alors que la loi de 2004 a instauré la formation continue ? Pourquoi pas une formation en alternance ?

Comment voyez-vous le rôle du vice-bâtonnier ?

Je prône sa suppression. Par cohérence, j’ai décidé de me présenter sans vice-bâtonnier. Et me prive ainsi de l’outil électoral que représente le vice-bâtonnat.

Comme l’a excellemment noté le Bâtonnier Vatier, « ceux qui l’ont créé ont pensé améliorer la gouvernance du barreau. Mais cette nouvelle image n’est qu’une illusion. Le ticket agrandit seulement le prisme du candidat au bâtonnat qui va chercher a s’entourer d’une personnalité complémentaire à la sienne. Si le vice-bâtonnier favorise la campagne du candidat au bâtonnat, il n’améliore pas, bien au contraire, les règles de gouvernance. Il y a dans le concept du vice-bâtonnier élu dans le cadre d’un ticket un vice profond et irréductible susceptible de perturber gravement la gouvernance du barreau : le risque de collision entre deux mandats, un vrai et un faux, et un réel phénomène de court-circuit ».

Pour avoir siégé ces trois dernières années au conseil de l’Ordre, j’ai vécu de près l’échec de cette institution dès sa deuxième expérience. L’actuel vice-bâtonnier, à l’issue d’un désaccord avec le bâtonnier a suspendu sa participation, tout en continuant à percevoir des émoluments.  On notera cependant que Jean-Yves Leborgne, non sans panache, avait refusé tote rémunération.

Cette trouvaille hasardeuse n’aura servi, au final, qu’à permettre l’élection des deux derniers bâtonniers. Elle aurait pour effet, dans quelques années, de doubler mécaniquement le nombre des anciens Bâtonniers et vice-bâtonniers au sein du Conseil.

Présentez vous en deux ou trois lignes (quand avez-vous prêté serment ? parcours pro, etc.)

J’ai prêté serment en 1973, le jour de mes 22 ans.

J’enseigne le fonctionnement de la justice depuis 30 ans. A Paris II, puis à Sciences Po, j’ai eu l’honneur de former avocats et magistrats.

Professeur des Universités, j’ai eu le privilège de corédiger la plupart des textes législatifs et réglementaires organisant l’abandon du monopole d’État sur l’audiovisuel.

L’entretien est aussi disponible ici.

 

 

 

 

Lettre aux abstentionnistes

Chers confrères,

Vous faites peut-être partie des 60 % d’avocats qui ne prenez pas part à l’élection du Bâtonnier.

Il n’est pas difficile de comprendre les raisons qui tiennent une large majorité d’avocats à l’écart de ces consultations électorales.

  • L’élection du Bâtonnier ne me concerne pas. C’est une affaire interne à la petite oligarchie qui domine le Barreau : ténors et grands pénalistes autrefois, avocats d’affaires issus de grandes structures aujourd’hui…
  • Avec ses titres issus en droite ligne de l’Ancien Régime (Dauphin et vice-dauphin !!!), ses fastes et ses rituels d’un autre âge, le Conseil de l’Ordre est le temple du conservatisme.
  • Les sujets qui agitent cette assemblée de notables satisfaits n’ont pas grand chose a voir avec les difficultés que je rencontre ou les causes qui donnent du sens à mon activité.
  • C’est gentil de me demander mon avis mais franchement, je ne vois pas de grande différence entre les candidats.

Il m’incombe de surmonter cette indifférence mêlée de scepticisme.

J’y réponds point par point.

  • L’élection du Bâtonnier ne me concerne pas.

A tort. Le conseil de l’ordre et le Bâtonnier disposent de pouvoirs bien réels : du règlement intérieur du barreau au pouvoir de sanction en cas de manquement aux règles de la profession. De moyens d’action humains (170 salariés) et budgétaires (54,5 millions d’euros en 2012) qui sont loin d’être négligeables. L’instance ordinale est au centre d’un écosystème d’institutions : pépinière, Institut de Droit Pénal, Conférence du Barreau de Paris, Maison du barreau, Fonds Barreau de Paris Solidarité… Le Bâtonnier, en outre, préside la CARPA et l’EFB.

  • Un temple du conservatisme.

Pas faux. Et d’ailleurs tout semble concourir, dans ses procédures (renouvellement par tiers tous les trois ans, institution du dauphinat) et dans sa composition (nombre d’anciens bâtonniers, auxquels on voudrait ajouter les ex-vice-bâtonniers sans parler des dauphin et vice-dauphin) pour brider ou atténuer une éventuelle volonté de réforme, si elle se manifestait dans les urnes.

Temple du conservatisme, le Conseil de l’Ordre est aussi l’agent d’une modernisation de la profession, pensée principalement en termes de parts de marché à étendre, d’ouverture a de nouvelles activités au profit, le plus souvent, des grandes structures.

J’engagerai une modernisation du Conseil en vue de le rendre plus représentatif de la profession. A commencer par les collaborateurs : 45% du Barreau, 2 % des membres actuels du Conseil.

  • Les sujets qui agitent cette assemblée de notables satisfaits n’ont pas grand chose à voir avec les difficultés que je rencontre ou les causes qui donnent du sens à mon activité.

J’inscrirai à l’ordre du jour du Conseil de l’Ordre :

  • la nécessité d’une refonte complète de l’actuel régime de cotisations ;
  • l’augmentation du nombre de tranches pour le barème des cotisations à l’Ordre ;
  • l’instauration de la progressivité pour les cotisations au CNB et la RCP ;
  • l’abolition des prérogatives de recouvrement forcé des cotisations ordinales, des cotisations CNB et surtout CNBF ;
  • l’élargissement des exonérations pour les avocats dont les revenus sont les plus faibles.

J’organiserai la remise à plat des conditions d’accès à la profession, qui d’élargissement en élargissement, pénalisent les plus jeunes d’entre nous

J’engagerai une réforme en profondeur de l’EFB.

Je mettrai tout le poids du Bâtonnier dans la balance pour revaloriser sensiblement l’aide juridictionnelle.

  • C’est gentil de me demander mon avis mais franchement, je ne vois pas de grande différence entre les candidats.

Faux.

Membre du Conseil de l’ordre en fin de mandat, je suis le seul à avoir vécu de près ses dérives les plus récentes.

Seul aussi à me priver de l’outil électoral que représente le vice-Bâtonnier :  j’ai vécu de près l’échec de cette institution dès sa deuxième expérience.

Le seul à afficher une volonté d’en finir avec des pratiques d’un autre âge et d’introduire de véritables changements.

Seul, enfin, à avoir pris les engagements suivants :

  • Je soumettrai à référendum les orientations qui engagent l’avenir de notre profession
  • Je veillerai personnellement à garantir l’impartialité des procédures disciplinaires
  • Je réduirai de 40 % ma rémunération
  • Je renoncerai aux attributions quasi-féodales du Bâtonnier, notamment à l’usage détestable consistant à distribuer discrétionnairement avantages, postes et décorations
  • Je soumettrai à appels à candidatures le recrutement des chargés de mission dont les derniers Bâtonniers se sont entourés sans compter
  • Je réduirai le train de vie du Conseil de l’Ordre

Si ma démarche et ces propositions rencontrent un écho auprès de vous, n’hésitez pas à le faire savoir les 11 et 13 décembre.

Bâtonnat 2013 : prévenir les conflits d’intérêts

La nécessité de préserver le Conseil de l’Ordre des risques de conflits d’intérêts n’a pas, à ce jour, été suffisamment prise en compte.

Les avocats attendent du Bâtonnier qu’il soit impartial. Qu’il se déporte ou s’abstienne quand des intérêts personnels risquent de compromettre son indépendance, son impartialité ou son objectivité.

En vue d’écarter le soupçon, la plupart des institutions prévoient désormais une obligation de déclaration d’intérêts : professionnels, financiers et patrimoniaux.

La loi relative à la transparence de la vie publique, qui vient d’être votée, impose aux élus des obligations de transparence : elle s’applique, notamment aux maires de villes de plus de 20 000 habitants.

Le Bâtonnier que vous désignerez le 10 décembre présidera une Université de 1 700 étudiants. Il gérera 170 salariés et un budget de 60 millions d’euros par an. Il sera à la tête d’une caisse dont l’encours atteint 1,2 milliard d’euros. Il sera, d’une certaine façon, et pour deux ans, le premier élu d’une collectivité de plus de 25 000 électeurs et cotisants.

Le Conseil de l’Ordre ne pourra se satisfaire durablement de simples recommandations de comportement, et laisser aux personnes concernées le soin de déterminer, par elles-mêmes, les situations à éviter. Sans céder, pour autant, à la quête absolutiste de transparence,

Il conviendrait d’imposer au Bâtonnier comme aux membres du Conseil, dès leur prise de fonctions, une déclaration d’intérêts.

Je publierai, dès mon élection, une déclaration d’intérêts, incluant :

  • Responsabilités électives ou associatives
  • Nature des intérêts dont le cabinet est en charge, dans le strict respect du secret professionnel
  • Responsabilités exercées pendant les trois années précédentes
  • Contrats en cours avec l’État ou un opérateur de l’État

J’attends de mes compétiteurs qu’ils s’engagent à faire de même.

Procès Festina. Reprise des débats, hier, au tribunal de Lille. Jean-Louis Bessis :  » Verbruggen est l’incitateur en chef du dopage  » (Entretien réalisé par Jean-Emmanuel Ducoin), l’Humanité, 31 octobre 2000.

Procès Festina. Reprise des débats, hier, au tribunal de Lille. Jean-Louis Bessis :  » Verbruggen est l’incitateur en chef du dopage « , l’Humanité, 31 octobre 2000.

Dans un entretien à l’Humanité, l’avocat de Willy Voet, l’ex-soigneur de Festina, ne mâche pas ses mots sur les responsabilités des instances sportives, notamment Hein Verbruggen, le patron de l’UCI. Ce dernier doit finalement venir aujourd’hui à la barre.

De notre envoyé spécial à Lille.

Coup de théâtre hier peu après 14 heures. Le président Daniel Delegove suspend les débats jusqu’au lendemain. Explication : le président de l’Union cycliste internationale, Hein Verbruggen, qui devait être entendu une bonne partie de l’après-midi, est absent, coincé à Manchester en raison des intempéries (1). Son avocat assure qu’il  » sera bien là « , ce mardi matin à l’ouverture des débats, si le temps le permet. Dans les couloirs, Jean-Louis Bessis, l’avocat de Willy Voet, est intenable. Il a accepté de répondre à nos questions, en tête-à-tête.

La semaine passée, dans votre plaidoirie sur l’irrecevabilité de certaines parties civiles, vous considériez que les instances sportives étaient aussi responsables, sinon plus, que les prévenus de ce procès. Vous parlez de l’Union cycliste internationale, de la Fédération française de cyclisme et de la Société du Tour de France. Que leur reprochez-vous ?

Jean-Louis Bessis. Commençons par la vedette du jour, Hein Verbruggen, président de l’UCI. Le concernant, nous avons l’embarras du choix sur d’éventuelles qualifications pénales. On le sait maintenant : il est au moins co-auteur du faux certificat médical de Brochard aux championnats du monde à San Sebastian en 1997 ; par son opposition au suivi longitudinal des cyclistes, il est incitateur en chef – c’est le terme de la loi – au dopage ; mais aussi par la menace de destruction des urines congelées vraisemblablement positives. Dès le 15 novembre prochain ; il pourrait aussi être complice d’empoisonnement puisqu’on sait désormais que ces produits dopants peuvent tuer… Certains comparaissent en France pour cent fois moins que ça et si certains ministres se retrouvent aujourd’hui devant la justice, comment se fait-il que M. Verbruggen ne le soit pas ? Reçoit-il des protections à un haut niveau ? Je pose la question. Je crois qu’il commence – enfin – à avoir peur de la justice française.

Avec le témoignage des experts la semaine dernière, Hein Verbruggen peut-il dire à la barre :  » Je ne savais pas  » ?

Jean-Louis Bessis. Franchement je crois cela impossible. Mais ne perdons pas de vue que Daniel Baal, le président de la FFC, qui se désolidarise bien volontiers de l’UCI lorsque celle-ci est mal en point, est également vice-président de l’UCI… Pour ces instances-là, il s’agit de non-assistance à personne en péril, délit oublié par le juge d’instruction qui peut désormais être retenu. Le raisonnement est simple. Ces gens-là étaient-ils au courant qu’il y avait du dopage ? La réponse est  » oui « . Ces gens-là avaient-ils des moyens pour le réduire ? La réponse est  » oui « . Ont-ils fait usage de tous les moyens dont ils jouissaient pour s’y opposer ? La réponse est  » non « . Donc non-assistance à personne en danger. Comme chefs d’inculpation, nous avons également : mise en danger de la vie d’autrui, complicité ou facilitation à l’incitation au dopage… ce dernier chef d’inculpation, d’ailleurs, si on l’a retenu contre Virenque, et d’autant plus si on l’a retenu contre Virenque, je me demande pourquoi on ne le retiendrait pas contre eux.

Et l’équipe Festina…

Jean-Louis Bessis. C’est un cas d’école. Ce sponsor est celui qui tire tous les profits des résultats sportifs, et Miguel Rodriguez, son grand patron, refuse de simplement venir témoigner à ma demande. Ce monsieur n’a pas le temps de venir à ce procès, il est trop pris dans ses paradis fiscaux… Pourtant Festina est un receleur du dopage, celui qui passe tous les contrats. N’oublions pas qu’il y a un terme terrible dans la loi, qui est  » incitation « . Ce terme est tragique pour certaines personnes qui sont passées entre les mailles du filet.  » Inciter « , c’est large et cela dépend du procureur de lui donner un sens ou un autre.

Notamment pas la non-action, la passivité ?

Jean-Louis Bessis. Oui. Mais n’est-ce pas aussi une incitation que d’être à l’affût d’une grande émission au cours de laquelle on va se réjouir et observer qu’un coureur est plus en forme en haut d’un col qu’en bas du col. Or, c’est bien parce qu’il est dopé et pas autre chose. Les commentateurs sportifs de la télévision le savent très bien, les dirigeants de la régie publicitaire de France Télévision le savent, eux aussi…

Si l’on suit votre démonstration, certains sponsors devraient aussi être présents au procès de Lille, en dehors du cas de Festina ?

Jean-Louis Bessis. Festina, c’est bien le moins… Effectivement, on croit rêver en voyant qu’il n’y a pas les patrons des deux autres équipes impliquées dans ce procès (la Française des Jeux et Once, NDLR). Il y manque toujours le maillon fort, le maillon numéro 1 : le chef ! Les chefs ne sont pas là, allez comprendre, les puissants sont absents de ce procès… Je n’ai pas les preuves pour accuser le procureur de les avoir épargnés délibérément, je remarque curieusement que les patrons ne sont pas là. On peut être patron sans être puissant, on peut avoir de l’argent sans être patron, mais là, il manque ceux qui ont l’argent, ceux qui sont patrons par leurs fonctions et ceux qui sont puissants par leur autorité : c’est étonnant, mais il ne manque que ces gens-là, seulement ces gens-là. Nous assistons donc au procès des manants. Les nantis, eux, sont au minimum absents, au mieux présents, mais du côté des parties civiles, comme victimes ! Mais victimes de quoi ? De ce point de vue, c’est un procès qui marche sur la tête. Cela est insupportable, inacceptable.

Maître, nous sommes nombreux à reconnaître ici que le président Delegove fait remarquablement bien son travail. Les faits sont têtus désormais : le dopage existe, massivement, partout. Considérez-vous que le président se trouverait en contradiction avec ces faits si l’UCI sortait de ce procès les mains dans les poches ?

Jean-Louis Bessis. Pour moi, il y a deux cas au-dessus des autres : le patron de Festina, Miguel Rodriguez, et le patron de l’UCI, Hein Verbruggen. Je le dis clairement : si le procureur ne nous annonce pas son intention d’engager des poursuites contre ses gens-là, au moins à l’issu du procès, on pourra se poser de sérieuses sur la volonté de justice. À cet égard, Richard Virenque a au moins un mérite au plan procédural : il a montré que la passerelle du statut de partie civile au statut de prévenu, est parfaitement possible.

Entretien réalisé par Jean-Emmanuel Ducoin

(1) Il assistait aux championnats du monde sur piste.

Le bal des hypocrites chez les « sages », Le Monde, 18 février 2010.

Le bal des hypocrites chez les « sages »

« A travers quelques récentes décisions spectaculaires, Hadopi ou taxe carbone, le Conseil constitutionnel est parvenu à faire oublier que dix de ses onze membres étaient issus de l’actuelle majorité. Dans quelques jours, leur nombre passera à onze. Jusqu’alors, par le jeu de l’alternance, l’institution était pluraliste, à des degrés divers.

Au printemps verra le jour une réforme très attendue : la saisine du Conseil constitutionnel par les justiciables. A droite comme à gauche, on applaudit une avancée démocratique. Dorénavant, chacun aura la possibilité de contester une loi déjà entrée en vigueur qu’il estimerait contraire à la Constitution. Ces nouvelles prérogatives seront exercées par une assemblée strictement monolithique, pour la première fois depuis vingt-sept ans.

On objectera que le chef de l’Etat et les présidents des deux Assemblées ne nomment pas que des militants au Conseil. Que ses membres n’endossent pas nécessairement les positions de l’autorité à laquelle ils doivent leur désignation. Que chevronnés, voire en fin de carrière, il peut même leur arriver de se montrer indépendants. Il reste qu’une autorité dont la raison d’être est l’indépendance ne saurait être monocolore.

Le départ prochain de Pierre Joxe est tout sauf anodin ; même marginalisé, l’ancien ministre socialiste de l’intérieur représentait un scrutateur, une sentinelle. Désormais, l’instance aura perdu son ultime témoin et garde-fou ; on y sera enfin entre soi. La consanguinité, on le sait, favorise les connivences. La presse rapporte régulièrement, sans jamais avoir été démentie, que l’exécutif consulte officieusement certains membres du Conseil. Il l’a fait, encore tout récemment, à propos du mode d’élection des conseillers territoriaux.

Connivence, encore : on se souvient peut-être d’un des épisodes de l’examen de la loi relative aux droits d’auteur. Le 21 décembre 2006, contre toute attente, l’Assemblée adopte un amendement contre l’avis du gouvernement. Pierre Mazeaud, alors président du Conseil constitutionnel, téléphone préventivement au ministre compétent pour l’alerter sur l’inconstitutionnalité de la procédure parlementaire. En violation du serment qu’il a prêté : « Ne donner aucune consultation sur les questions relevant de la compétence du Conseil. »

Dissidence ponctuelle

Bal des hypocrites. Plusieurs figures du parti présidentiel s’en prennent, depuis quelques jours, avec une violence inaccoutumée au Conseil constitutionnel. Un ministre de la République pointe l’absence de débat contradictoire, l’interdiction pour les « sages » de publier une opinion juridique dissidente, l’archaïsme que constitue la présence des ex-chefs de l’Etat. Autant de critiques tout à fait justifiées. Naturellement, les responsables de la majorité se gardent bien de suggérer une réforme de sa composition.

Ajoutons un « imprévu » : Nicolas Sarkozy se flatte d’avoir, par la révision constitutionnelle de 2008, soumis les nominations à l’avis des commissions des lois de chaque assemblée, celles-ci pouvant s’y opposer à une majorité des trois cinquièmes.

Il reste que le Parlement n’a toujours pas trouvé le temps de voter la loi organique qui en conditionne la mise en oeuvre dix-huit mois après son adoption. De sorte que ce verrou, pourtant bien modeste, pourrait ne pas concerner les trois prochains « sages ». On aurait voulu pouvoir désigner n’importe qui qu’on ne s’y serait pas pris autrement.

Le renouvellement triennal de 2010 suscite plus d’intérêt que ceux de 2007 ou 2004. Plus que jamais, les nominations s’annoncent politiques. Nicolas Sarkozy osera-t-il, dans le silence des textes, écarter Jean-Louis Debré de la présidence, pour cause de dissidence ponctuelle ?

Si un Conseil constitutionnel chiraquien inflige des camouflets à son camp, on préfère ne pas imaginer ce qu’un Conseil chiraco-sarkozyste fera endurer à la gauche ! Mesure-t-on que c’est ce Conseil constitutionnel « nouveau cru » qui sera le juge de la prochaine élection présidentielle et des législatives ; qu’il sera l’arbitre suprême en cas d’élections serrées ? Si elle revient aux affaires en 2012, la gauche devra patienter jusqu’à février 2013 pour disposer de deux sièges rue Montpensier. Ce n’est qu’en 2016, en fin de mandat, qu’elle y conquerrait une minorité significative de quatre membres.

En somme, sauf deux victoires consécutives de la gauche à la présidentielle comme aux législatives, ou basculement à gauche du Sénat, la droite est assurée de conserver sa mainmise sur la clé de voûte de notre démocratie. »