Exercice de la profession : Quel est pour vous l’impact du numérique sur la profession ? Comment entendez-vous intégrer l’ère numérique dans l’exercice de votre mandat si vous êtes élu(s) ? Quelles limites à ne pas franchir ?
Le numérique a profondément transformé notre métier et nos pratiques professionnelles. Nos échanges avec nos clients et entre confrères ont connu une nette accélération. Avec le réseau privé virtuel avocat (rPVa), nous abordons la dématérialisation des procédures pénales.
Nous travaillons de plus en plus à distance. Les blogs juridiques deviennent le principal vecteur de formation continue. (sont souvent plus utiles que bien des séances de formation continue) Merci à Eolas et tant d’autres.
L’écart se creuse chaque année entre avocats et tribunaux dont l’informatisation reste chaotique. Cela devient un sujet de préoccupation.
Nos règles de déontologie doivent prévaloir dans cet environnement numérique : préservation du secret professionnel, démarchage en ligne. Ce sera un des chantiers de mon mandat, si je suis élu.
Je serai attentif à l’idée qui circule d’un service de déontologie en ligne. Les technologies numériques doivent aussi permettre de mettre à la disposition de la profession les textes de référence, comme le RIBP commenté.
La création d’une plateforme en ligne dédiée à la mise en relation des avocats collaborateurs ou en installation avec des prospects, permettrait aux avocats collaborateurs de développer une clientèle personnelle.
Collaboration : les ruptures à l’annonce ou au retour du congé maternité augmentent de manière exponentielle ? Quelles mesures concrètes proposez-vous pour faire cesser ces pratiques ?
Je suis favorable à l’interdiction de la rupture du contrat de collaboration durant les trois mois suivant le retour du congé maternité, sauf en cas de faute grave.
Collaboration : Quels moyens concrets entendez-vous mettre en œuvre pour faire respecter les conditions de la collaboration libérale et, notamment, la possibilité de développer une clientèle personnelle ?
Il appartient à l’Ordre de veiller au respect du statut de collaborateur libéral et de procéder à des requalifications, voire même des sanctions.
Devraient être pris en compte le temps dont dispose le collaborateur pour gérer ses dossiers personnels et assurer son obligation de formation continue, ainsi que la mise à disposition effective par le cabinet d’un bureau ou d’une salle de réunion permettant de recevoir et de traiter les dossiers personnels.
Outre la vérification des contrats de collaboration soumis à l’Ordre, pour s’assurer de l’effectivité du respect du principe de la collaboration libérale, l’Ordre pourrait procéder à des visites au sein des cabinets. Ce contrôle sur site devrait pouvoir s’exercer auprès de tout cabinet par l’Ordre. Il conviendrait naturellement de renforcer ces contrôles dans les cabinets qui reviennent régulièrement devant la Commission « Difficultés d’Exercice en Collaboration ou la Commission Requalification, ainsi que dans ceux dans lesquels l’Ordre constate un turnover inhabituel.
Collaboration : Objectif de 1800 heures facturées par an : collaboration libérale ou salariat ?
Les cabinets ne peuvent pas imposer à leurs collaborateurs des charges de travail ou des objectifs de facturation en contradiction avec le développement d’une clientèle personnelle.
Collaboration : La Charte des bonnes pratiques de la collaboration vient d’être adoptée par le Conseil de l’Ordre de Paris. La rendrez vous obligatoire si vous êtes élu(s) ? Quelles mesures renforcez-vous ? Sanctionnerez-vous les cabinets qui ne respectent pas ces bonnes pratiques ?
Je la rendrai obligatoire. Rien n’est obligatoire sans sanction.
La plainte pour requalification ou discrimination d’un collaborateur doit donner lieu à l’ouverture d’une enquête ordinale. Le seul fait pour un collaborateur de saisir le Bâtonnier d’une plainte pour discrimination ou requalification ne saurait constituer, en soi, un manquement déontologique.
Afin de garantir le respect de cette charte, je ne trouve pas déraisonnable que soit institué un représentant des collaborateurs dans les cabinets de plus de dix collaborateurs.
Collaboration : Quelle sanction pour les cabinets qui recrutent en stage des avocats titulaires du CAPA ?
Cette pratique est illégale. Et choquante quand elle concerne de jeunes confrères étrangers ayant obtenu le CAPA par la voie des articles 99 et 100 du décret du 27 novembre 1991.
Ces pratiques devraient faire l’objet d’enquêtes ordinales en cas de plainte, d’un rappel des règles aux cabinets indélicats, puis de sanction, si nécessaire. Les avocats devraient, de par leur serment, montrer l’exemple et respecter les règles élémentaires de déontologie et de confraternité.
Collaboration : Le tarif minimum de l’Ordre reste très inférieur au tarif UJA. Vous engagez-vous à augmenter ce tarif minimum pour le mettre au niveau du tarif UJA si vous êtes élu(s) ? Si oui, dans quels délais ? Si non, quelles mesures adopterez-vous pour permettre à des confrères de vivre avec moins de 1 000 euros par mois, charges déduites ?
Je suis favorable à un alignement du tarif minimum de l’Ordre sur celui de l’UJA.
J’inscrirai a l’ordre du jour du Conseil de l’Ordre la nécessite d’une refonte complète de l’actuel régime de cotisations ; augmentation du nombre de tranches pour le barème des cotisations à l’Ordre ; instauration de la progressivité pour les cotisations au CNB et la RCP ; abolition des prérogatives de recouvrement forcé des cotisations ordinales, des cotisations CNB et surtout CNBF ; élargissement des exonérations pour les avocats dont les revenus sont les plus faibles.
Egalité professionnelle : Comment expliquez-vous les inégalités flagrantes entre femmes et hommes dans notre profession (lanterne rouge des professions libérales) ? Quelles mesures concrètes proposez-vous pour y remédier ? Quels moyens y affecterez-vous ?
La profession d’avocat présente historiquement une grande résistance à la féminisation.
Le rapport de l’UJA sur l’égalité professionnelle en dresse un bilan documenté : creusement des écarts de revenus, trajectoires professionnelles, segmentation des domaines d’exercice.
Des facteurs multiples se croisent pour creuser les inégalités : discrimination pure, culture du présentéisme dans les cabinets, stéréotypes sexistes. S’agissant des certificats de spécialisation, les hommes dominent dans les domaines plus lucratifs : 3,25 fois plus d’hommes pour le droit commercial, 3,44 fois plus pour le droit des sociétés, 5 fois plus pour le droit fiscal.
J’observe que les discriminations s’aggravent avec la taille des cabinets : 36 % d’associées dans les structures comptant moins de cinq associés, 7 % seulement dans les structures comptant plus de 50 associés.
Ce sexisme est d’autant plus paradoxal que désormais, deux fois plus de femmes que d’hommes rejoignent la profession chaque année et que les femmes pourraient à moyen terme constituer 70 % de l’effectif.
Les phénomènes d’inégalité professionnelle peuvent être enrayés.
Je suis favorable aux mesures préconisées par l’UJA : création au sein du Conseil de l’Ordre d’une commission « égalité professionnelle »; création d’une obligation de notifier à l’ordre toute rupture de contrat de collaboration qui interviendrait dans l’année suivant la fin d’un congé paternité ou maternité ; sanctions des inégalités de rémunérations ; protection des collaborateurs et collaboratrices au retour des congés paternité et maternité ; réflexion sur la collaboration à temps partiel ; gestion par les cabinets des demandes d’indemnisation et avance par l’Ordre des indemnités RSI et prévoyance.
Egalité professionnelle : Quel est le nombre de femmes associées dans votre cabinet (chaque candidat individuellement) ? et d’hommes ?
Nous sommes trois associés, dont deux femmes.
Développement des cabinets : quels moyens pour lutter contre le « parasitisme » des non-avocats ? et par les avocats (démarchage, chiffres d’affaires non liés à l’exercice de la profession, non-respect des incompatibilités) ?
La vigilance de l’Ordre va très loin, puisque même notre papier à en tête est réglementé à l’article 10.4.
Je ferai appliquer les sanctions disciplinaires dont notre règlement intérieur ne manque pas. Je dois reconnaître que le Conseil de l’Ordre est très mobilisé sur ce sujet, et fait même preuve de pugnacité.
Quant au parasitisme des non-avocats, il relève du droit pénal
Développement des cabinets : Les avocats sont confrontés à des problèmes récurrents pour trouver des locaux ? Quels moyens pour faciliter la prise à bail ? Quel budget y consacrerez-vous ? Quel rôle et quel avenir pour la pépinière ?
La recherche des locaux est souvent très difficile, notamment en raison des exigences des propriétaires en matière de cautionnement ou de dépôt de garantie. Ces exigences constituent un frein important à l’installation. Je suis favorable à une forme de
cautionnement par l’Ordre.
La pépinière est sans doute l’une des initiatives les plus heureuses que nos devons à l’Ordre. Ses tarifs se révèlent plus coûteux qu’une domiciliation. Je propose de reconsidérer la tarification et son système d’unités de valeur. Et d’en étendre la durée d’au moins une année, et ce d’autant plus qu’elle pas aujourd’hui saturée.
Développement des cabinets : Les divergences entre le droit continental et le droit de Common Law sont-elles un frein en Europe pour l’expansion des cabinets d’avocats français ? que diriez-vous à un jeune avocat dans ce contexte ?
Il appartient à l’EFB de favoriser l’ouverture des élèves aux autres systèmes juridiques en développant des séminaires de droit comparé et de les former aux notions du Common Law.
Développement des cabinets : Quelle interprofessionnalité souhaitez-vous promouvoir, le cas échéant ? Quelles sont les limites qui vous semblent indépassables ?
Si je ne partage pas toutes recommandations du Rapport Darrois. il en est une que je fais mienne : l’interprofessionnalité commence par et dans la formation.
Je suis favorable à la création d’écoles de professionnels du droit qui, à l’issue des études universitaires, assureraient une grande partie de la formation aux principaux métiers du droit : avocats, notaires et magistrats (y compris les magistrats des tribunaux administratifs et cours administratives d’appel recrutés par la voie du concours complémentaire) mais aussi huissiers, administrateurs judiciaires, mandataires judiciaires. Ces écoles constitueraient un point de passage obligé entre les universités et les actuelles écoles d’application lorsqu’elles existent (CRFPA, CRFPN, ENM). L’entrée s’effectuerait, par la voie d’un examen national exigeant portant sur les principales disciplines que doit maîtriser un juriste.
La mise en place de toute structure commune (en moyens ou en capital) à plusieurs professionnels doit sauvegarder les principes essentiels des avocats, la sauvegarde de l’indépendance, la protection du secret professionnel et les principes relatifs à la gestion des conflits d’intérêts.
Déménagement du Palais : quelles réponses apporterez-vous aux inquiétudes et interrogations de vos confrères sur ce déménagement ? Proposez au moins deux mesures concrètes.
Le projet Batignolles est absurde et ruineux.
Je suis troublé par le choix répété de l’entreprise Bouygues (Cf : Nouvelle EFB, Issy les Moulineaux). Et indigné du très discret protocole par lequel l’Etat s’engage à indemniser – généreusement – Bouygues en cas de succès des recours introduits. On doit s’interroger sur la multiplication des partenariats public-privé conclus par les précédents gardes des Sceaux.
L’essor des outils numériques a vocation de libérer une place considérable dans notre Palais. Si les besoins demeurent, des travaux de réaménagement ainsi qu’une utilisation rationnelle de l’espace existant y remédieront largement ; le fait que le Palais soit classé (partiellement) ne s’y oppose nullement.
Représentation de la profession : Quel rôle, quel statut pour votre Vice-Bâtonnier ?
Je prône sa suppression. Par cohérence, j’ai décidé de me présenter sans vice-bâtonnier. Et me prive ainsi de l’outil électoral que représente le vice-bâtonnat.
Comme l’a excellemment relevé le Bâtonnier Vatier, « ceux qui l’ont créé ont pensé améliorer la gouvernance du barreau. Mais cette nouvelle image n’est qu’une illusion. Le ticket agrandit seulement le prisme du candidat au bâtonnat qui va chercher a s’entourer d’une personnalité complémentaire à la sienne. Si le vice-bâtonnier favorise la campagne du candidat au bâtonnat, il n’améliore pas, bien au contraire, les règles de gouvernance. Il y a dans le concept du vice-bâtonnier élu dans le cadre d’un ticket un vice profond et irréductible susceptible de perturber gravement la gouvernance du barreau : le risque de collision entre deux mandats, un vrai et un faux, et un réel phénomène de court-circuit ».
Pour avoir siégé ces trois dernières années au conseil de l’ordre, j’ai vécu de près l’échec de cette institution dès sa deuxième expérience. L’actuel vice-bâtonnier, a l’issue d’un désaccord avec le bâtonnier a suspendu sa participation, tout en continuant a percevoir des émoluments. Comme l’a noté fort justement un de nos confrères, si, avec Jean Castelain et Jean-Yves Leborgne, nous avions deux bâtonniers pour le prix d’un, nous n’en avons désormais plus qu’un, mais pour le prix de deux.
Cette trouvaille hasardeuse n’aura servi, au final, qu’à permettre l’élection des deux derniers bâtonniers. Elle aura pour effet, dans quelques années, de doubler mécaniquement le nombre des anciens Bâtonniers et vice-bâtonniers au sein du Conseil.
Représentation de la profession : Ordre national, réforme du CNB ou status quo ? Pourquoi ?
Je suis favorable à la création d’un Ordre national.
Prospective : L’avocat en entreprise vous parait-il être une opportunité pour la profession ? quelles modalités d’intégration vous semblent opportunes ?
Les avocats souhaitant quitter l’exercice libéral pour entrer en entreprise sont de plus en plus nombreux (500 par an environ en France).
Je sais que l’UJA est favorable à l’avocat en entreprise. Je crains qu’elle ne sous-estime les problèmes que posent la conservation de leur statut et leur déontologie une fois devenus salariés d’une entreprise : sera-il soumis aux mêmes règles de déontologie ? quel sera le rôle du Bâtonnier dans les litiges nés de l’exécution des contrats de travail ? Secret professionnel ou privilège de confidentialité ?
Pratique pénale : Que pensez-vous du débat récurrent sur la place de la victime dans le procès pénal ?
Si la victime a droit au respect et à la réparation de ses souffrances, le procès pénal demeure d’abord le lieu où la société demande des comptes à l’accusé, en respectant les principes du procès équitable, et d’abord la présomption d’innocence. Comme le relvait Robert Baditer, le procès pénal n’est pas le vecteur privilégié de l’apaisement des souffrances de la victime, ni l’instrument de son « deuil ». L’audience n’est pas une thérapie.
Pratique pénale : quels moyens êtes vous prêts à mettre en œuvre pour la formation à la défense d’urgence ?
C’est une matière très spécialisée. Les avocats qui traitent l’aide légale doivent y être formés pour offrir une défense de grande qualité.
Je ne souhaite pas que l’aide juridictionnelle soit un laboratoire de formation pour les jeunes avocats. Les plus démunis ne sont pas des cobayes. Tous les mécanismes incitatifs doivent être déployés pour encourager les avocats chevronnés à prendre leur part de cette mission d’intérêt public.
Les « réponses de tous les candidats au questionnaire des jeunes avocats » sont disponibles sur le site de l’UJA.