Entretien mené par le Village de la Justice

Pouvez-vous nous présenter les axes majeurs de votre programme ?

Membre du Conseil de l’Ordre depuis trois ans, j’ai découvert un mode de fonctionnement d’un autre âge et observé une série de dérives : indemnités vertigineuses que s’octroient Bâtonnier et Vice-bâtonnier, nombreuses créations de postes, avantages en nature et décorations distribués à la discrétion du Bâtonnier…

Je propose toute une série de mesures pour dépoussiérer l’instance ordinale et en démocratiser le fonctionnement monarchique et anachronique : vigilance quant aux conflits d’intérêts au sein du Conseil, appels à candidatures pour le recrutement des chargés de mission dont les derniers Bâtonniers se sont entourés sans compter, réduction du train de vie du Conseil de l’Ordre, amélioration de la transparence des comptes de l’Ordre.

Je mettrai tout le poids du Bâtonnier dans la balance pour rouvrir, avec les Pouvoirs publics, le dossier de l’aide juridictionnelle. Son financement est à bout de souffle. Pour revaloriser l’unité de valeur de l’Aide juridictionnelle et repenser les conditions d’intervention des avocats de l’antenne des mineurs (notamment la forfaitisation, récemment mise en place et non adaptée a la défense spécifique des mineurs), il faudra diversifier les modes de financement. Les solutions sont connues : taxation des actes juridiques et des contrats d’assurances.

La taxation des professions juridiques, à condition qu’elle prenne en compte le volume d’aide juridictionnelle des cabinets (qui, pour certains, peut atteindre 10 % du chiffre d’affaires) ne doit pas être écartée : elle pourrait inciter des avocats chevronnés à prendre leur part de cette mission d’intérêt public. Je ne souhaite pas que l’aide juridictionnelle soit un laboratoire de formation pour les jeunes avocats.

Quels sont selon vous les deux plus grands défis à venir pour la profession ?

La crise économique, qui fragilise un nombre croissant de confrères et la fracture qui se creuse au sein de la profession.

En 2009, le revenu annuel moyen par avocat a baissé de 4 % par rapport à l’année précédente. C’est le premier recul des revenus après plus de 30 ans de croissance. 41 % des jeunes avocats perçoivent un revenu brut inférieur à 3 300 euros. Il faut retrancher environ 30 % de charges sur ces montants. Quant à l’écart de revenu entre hommes et femmes, il se creuse depuis 1994.

J’inscrirai a l’ordre du jour du Conseil de l’Ordre la nécessite d’une refonte complète de l’actuel régime de cotisations ; augmentation du nombre de tranches pour le barème des cotisations à l’Ordre ; instauration de la progressivité pour les cotisations au CNB et la RCP ; abolition des prérogatives de recouvrement forcé des cotisations ordinales, des cotisations CNB et surtout CNBF ; élargissement des exonérations pour les avocats dont les revenus sont les plus faibles.

En ces temps de crise, que faire pour renforcer l’attractivité de la profession d’avocat pour les jeunes qui se lancent ?

Repenser l’EFB. Une enquête a été réalisée par les deux représentants des élèves-avocats auprès de 400 étudiants de l’EFB. 80 % d’entre eux, ayant suivi les cours de la dernière promotion, ont qualifié la formation de « moyenne » ou « mauvaise ». Les étudiants en sont mécontents. Ils dénoncent les cours trop « théoriques ». Un rapport avait déjà évoqué les amphis déserts. De leur côté, des avocats parisiens interrogés avaient, à 63 %, considéré que la formation initiale était insuffisante voire très insuffisante pour préparer l’arrivée dans la profession.

Faut-il maintenir deux années de formation à l’école alors que la loi de 2004 a instauré la formation continue ? Pourquoi pas une formation en alternance ?

Comment voyez-vous le rôle du vice-bâtonnier ?

Je prône sa suppression. Par cohérence, j’ai décidé de me présenter sans vice-bâtonnier. Et me prive ainsi de l’outil électoral que représente le vice-bâtonnat.

Comme l’a excellemment noté le Bâtonnier Vatier, « ceux qui l’ont créé ont pensé améliorer la gouvernance du barreau. Mais cette nouvelle image n’est qu’une illusion. Le ticket agrandit seulement le prisme du candidat au bâtonnat qui va chercher a s’entourer d’une personnalité complémentaire à la sienne. Si le vice-bâtonnier favorise la campagne du candidat au bâtonnat, il n’améliore pas, bien au contraire, les règles de gouvernance. Il y a dans le concept du vice-bâtonnier élu dans le cadre d’un ticket un vice profond et irréductible susceptible de perturber gravement la gouvernance du barreau : le risque de collision entre deux mandats, un vrai et un faux, et un réel phénomène de court-circuit ».

Pour avoir siégé ces trois dernières années au conseil de l’Ordre, j’ai vécu de près l’échec de cette institution dès sa deuxième expérience. L’actuel vice-bâtonnier, à l’issue d’un désaccord avec le bâtonnier a suspendu sa participation, tout en continuant à percevoir des émoluments.  On notera cependant que Jean-Yves Leborgne, non sans panache, avait refusé tote rémunération.

Cette trouvaille hasardeuse n’aura servi, au final, qu’à permettre l’élection des deux derniers bâtonniers. Elle aurait pour effet, dans quelques années, de doubler mécaniquement le nombre des anciens Bâtonniers et vice-bâtonniers au sein du Conseil.

Présentez vous en deux ou trois lignes (quand avez-vous prêté serment ? parcours pro, etc.)

J’ai prêté serment en 1973, le jour de mes 22 ans.

J’enseigne le fonctionnement de la justice depuis 30 ans. A Paris II, puis à Sciences Po, j’ai eu l’honneur de former avocats et magistrats.

Professeur des Universités, j’ai eu le privilège de corédiger la plupart des textes législatifs et réglementaires organisant l’abandon du monopole d’État sur l’audiovisuel.

L’entretien est aussi disponible ici.

 

 

 

 

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